La monadologie et Leibniz

Si l’on devait faire un schéma de l’étrange organisation qui s’est mise en place depuis le lundi 16 mars, date à laquelle le confinement a été décrété, on pourrait emprunter à Leibniz celui de la Monadologie.


Comment se caractérise la configuration de la société du confinement ? D’abord, chacun est enfermé chez soi, sans porte ni fenêtre puisqu’il n’a plus le droit de sortir, sinon pour sa subsistance. « Les Monades n’ont point de fenêtres, par lesquelles quelque chose y puisse entrer ou sortir. » écrit Leibniz à l’article 7 de la Monadologie. Autant de noyaux indépendants les uns des autres, mais qui forment monde du point de vue de leurs perspectives : du moins est-ce l’ensemble des perspectives qui est le monde. C’est ainsi que Leibniz dessine sa métaphysique : les Monades sont toutes des perspectives sur le monde qui n’est rien d’autre que l’ensemble de ces perspectives, ensemble qui peut être vu du seul point de vue de Dieu. 


L’espace est idéal, il est un ordre, comme désormais nos interactions se passent d’un espace réel.


La Monadologie est une organisation intégralement rationnelle, la meilleure possible, parce que la plus économique : on dirait, en mathématicien, que Dieu a choisi la solution élégante, celle où la somme des biens excède la somme de maux. Comme le résume Émile Boutroux dans sa présentation,


Dieu a, dès l’origine, réglé toutes les monades sans exception de manière qu’à chaque perception distincte de l’une d’elles correspondent, en toutes les autres, des perceptions confuses, et réciproquement, de telle sorte que chaque monade soit représentative de tout l’univers, à son point de vue.

Émile Boutroux

Nous sommes aujourd’hui loin du sens axiologique qui cherche à justifier l’existence du mal – ce qu’on appelle théodicée, et qui était à l’œuvre dans l’entreprise leibnizienne. Mais comme dans son système, chaque point que nous sommes est indispensable au réseau, participe de sa constitution, a un accès presque infini à partir de sa position, et néanmoins est intégralement dépendant des autres, en tant que le système est l’ensemble des liens qui confèrent à chaque point un statut de relais, de contributeur, de terminal et de passeur.


Mais si chaque monade est un point de vue, et que le monde est l’ensemble des monades, alors il n’y a plus de monde en dehors des monades. La philosophie libérale saura tirer profit de cette équation : les individus, mus par leur désir, ou leur conatus, participent d’un plan d’ensemble en suivant leurs intérêts égoïstes – plan d’ensemble qui maximise la rentabilité pour un minimum de coût. Dieu est remplacé par la main invisible ou les lois du marché.


Article rédigé par Mazarine Pingeot.


Pour en savoir plus :

https://theconversation.com/philosophie-le-confinement-selon-leibniz-135132

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